La Stratocaster de Mark Knopfler : symbole des Dire Straits

Nassim Pascotto

Nassim Pascotto

Publié le 15 août 2025 15/8/25Reading time9 min.
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Mark Knopfler, figure emblématique du rock britannique et leader incontesté de Dire Straits, est indissociable de sa Fender Stratocaster rouge. Véritable icône visuelle et sonore, cette guitare est devenue son inséparable compagne musicale dès la fin des années 70. Elle l’a accompagné depuis les clubs londoniens jusqu’aux scènes mondiales, incarnant à la fois un son unique et une esthétique marquante. C’est en particulier une Stratocaster Fender de 1961, restaurée et repeinte par ses soins, qui deviendra l’un des piliers de son identité artistique.

Aux origines d’un son : l’influence d’Hank Marvin

L’histoire entre Mark Knopfler et la Stratocaster commence bien avant la célébrité. Adolescent, Knopfler se passionne pour les sons clairs et mélodiques du rock, de la country et du blues, en particulier ceux de guitaristes comme Chet Atkins, J.J. Cale, ou encore Hank Marvin, dont l’influence est décisive. Ce dernier, avec sa Fender Stratocaster rouge vif dans les années 60, marque profondément le jeune Mark. L’image de Marvin jouant avec The Shadows est gravée dans sa mémoire, et cette Strat devient alors sa guitare rêvée.

Sa première guitare, une Höfner Super Solid bon marché, achetée pour 50 £, n’est qu’un tremplin. Dès 1977-1978, au moment de l’enregistrement des premiers morceaux de Dire Straits, Mark Knopfler acquiert enfin sa première Fender Stratocaster, un modèle du début des années 60 qu’il fera repeindre en rouge en hommage direct à Hank Marvin. Ce geste n’est pas seulement esthétique : il marque son entrée dans une nouvelle ère musicale, autant par le son cristallin que par l’image de scène qu’il va construire.

La Stratocaster rouge : naissance d’une compagne de route

Dès la sortie du premier album de Dire Straits en 1978, la Stratocaster de 1961 devient un élément central de son jeu. Sur le titre « Sultans of Swing », c’est ce modèle qui donne vie au fingerpicking si particulier de Mark Knopfler. Gaucher jouant sur une guitare de droitier, il développe une approche personnelle sans médiator, inspirée du clawhammer, qui, couplée à la dynamique naturelle des micros simple bobinage Fender, donne naissance à une signature sonore inimitable : limpide, précise, légèrement saturée. La réponse sensible et expressive de la Stratocaster lui permet de varier son jeu à l’extrême, du rythme feutré aux envolées lyriques.

Ce style séduit immédiatement. Le solo de « Sultans of Swing » devient un moment culte. Mark Knopfler ne joue pas seulement des notes : il raconte des histoires avec sa guitare, exploitant chaque subtilité du toucher pour faire vivre son instrument. Son jeu fin et nuancé, où chaque note semble respirer, repose sur cette alchimie unique entre le musicien et sa Stratocaster. Sur scène, la Stratocaster rouge devient indissociable de son image : bandeau rouge, posture concentrée, jeu fluide. Durant les premières tournées (albums Communiqué, Making Movies, Love Over Gold), plusieurs Stratocasters presque identiques l’accompagnent.

Il en possède notamment deux modèles de 1961 et début 60s, avec des différences subtiles dans les bois, les numéros de série, ou encore les configurations de touche (palissandre ou érable).

Quelques Stratocasters clés de Mark Knopfler

  • Stratocaster Fender 1961 (n° 80470) : acquise en 1978, elle est repeinte en rouge pour reproduire la guitare de Marvin. Modifiée au fil du temps (nouveau micro manche, bouton de volume noir, manche changé), elle reste l’une de ses guitares les plus utilisées.
  • Stratocaster early 60s (n° 68354) : également repeinte, avec touche en palissandre, c’est sa compagne de tournée privilégiée à la fin des années 70 et au début des années 80.
  • Stratocaster Fender 1954 : modèle sunburst d’origine, surnommée « Jurassic Strat », conservée comme pièce de collection et parfois utilisée en studio pour son grain vintage.
  • Stratocaster Fender Mark Knopfler Signature (2003) : réinterprétation moderne fidèle à ses préférences, avec finition Hot Rod Red, micros Texas Special, manche érable. Utilisée notamment sur la tournée Shangri-La en 2005.

Personnalisation et évolutions techniques

Knopfler ne s’est jamais contenté de guitares standards. Dès la fin des années 70, il personnalise ses Stratocasters pour en tirer exactement ce qu’il souhaite.

  • Micro DiMarzio FS-1 à la position manche : installé pour plus de gras et de sustain sans sacrifier la clarté.
  • Bouton de volume noir : un simple détail esthétique, mais devenu emblématique.
  • Sélecteur 5 positions : pour mieux accéder aux fameuses positions intermédiaires (sons « quack »), essentielles à son jeu rythmique.
  • Manche Schecter : en 1982, son manche d’origine est remplacé par un manche érable sur mesure, prouvant sa volonté de garder sa Strat vivante, quitte à la réinventer.


Dans les années 80, face aux exigences de tournées massives, il se tourne aussi vers des modèles alternatifs à la Strat Fender, mais très proches visuellement : Schecter (1980-1985) puis Pensa-Suhr MK1, réalisée sur mesure à partir de 1987. Ces guitares, bien que dotées de spécificités techniques variées, restent dans l’esprit Stratocaster : confort de jeu, sonorité polyvalente, réactivité dynamique.

Même lorsqu’il expérimente avec des Gibson Les Paul pour des sons plus épais (comme sur « Money for Nothing » ou « Brothers in Arms »), la Strat Fender revient toujours au centre de son jeu, surtout en studio ou pour les morceaux aux nuances plus délicates.

Un son signature et une symbiose unique

La Stratocaster Fender, plus qu’un simple outil, est le prolongement naturel de la main de Knopfler. Sa technique au fingerstyle, sans médiator, confère une subtilité de toucher que la Strat sait parfaitement révéler. Les micros simples, sensibles aux moindres variations, transmettent chaque nuance – du souffle d’un arpège à l’attaque vive d’un riff.

Knopfler aime jouer sur les positions intermédiaires (micros chevalet+milieu), pour ces sonorités typiquement creusées, brillantes et percussives. À l’opposé, pour des solos plus profonds, il choisit le micro manche. La palette sonore ainsi couverte va du folk feutré au rock tranchant, sans jamais tomber dans la saturation outrancière. C’est cette polyvalence expressive qui a séduit les fans comme les critiques, et qui fait de Knopfler l’un des guitaristes les plus lyriques et expressifs de sa génération.

Sur scène, quelques notes suffisent à le reconnaître. Sa Strat rouge, son toucher feutré et sa fluidité mélodique créent une signature sonore que même les oreilles non initiées identifient immédiatement. Elle peut sonner douce et aérienne, mais aussi rugir sur des morceaux plus musclés comme « Solid Rock » ou « Telegraph Road » – sans jamais devenir brouillonne.

Héritage et consécration de la Stratocaster de Knopfler

Aujourd’hui, l’image de Mark Knopfler ne peut être dissociée de celle de sa Stratocaster rouge. Elle est le symbole d’une époque, d’un style, d’une symbiose entre luthierie classique et jeu moderne. Même après la fin de Dire Straits, Knopfler continue à la faire vivre en solo, même s’il intègre de plus en plus de guitares acoustiques, dobros, ou modèles vintage à ses projets folk-rock.

La consécration ultime vient en 2003 avec la sortie de la Fender Stratocaster Mark Knopfler Signature, modèle qui rencontre un succès fulgurant. Elle devient l’un des best-sellers des guitares artistiques Fender, tant pour ses qualités sonores que pour sa fidélité à l’instrument d’origine. Jouée en live par Knopfler lui-même lors de la tournée Shangri-La, elle prouve qu’elle n’est pas qu’un objet de collection, mais un instrument digne de scène.

Preuve de son aura légendaire : en 2024, lors d’une vente aux enchères historique, plusieurs guitares de sa collection sont vendues à des prix records. Un prototype de la Stratocaster Signature atteint 144 000 dollars. Cette valeur dépasse la simple qualité de fabrication : elle incarne une part du patrimoine musical mondial, un fragment tangible de l’histoire du rock. En définitive, la Fender Stratocaster rouge de Mark Knopfler n’est pas seulement une guitare. C’est un compagnon de route, une voix, une mémoire musicale. Elle incarne les débuts dans les pubs enfumés, les triomphes sur les grandes scènes, et l’intimité d’un solo en studio. Elle symbolise cette magie particulière qui naît entre un musicien et son instrument, une alchimie qui dépasse la technique pour toucher à l’émotion pure.

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Écrit par

Nassim Pascotto

Nassim Pascotto

Rédacteur @Woodbrass