La salle est pleine, le chef baisse la baguette et tout s’apaise. C’est votre entrée au pupitre de bois, quelques mesures suspendues où la clarinette doit porter la mélodie avec douceur et clarté. Si l’instrument répond immédiatement, si l’intonation reste stable sur toute la tessiture et si l’émission est fluide, le moment se transforme: la ligne chante, le public respire avec vous, la musique se déploie. Dans ces instants, la bonne clarinette fait toute la différence, qu’il s’agisse d’un solo de musique de chambre, d’un standard de jazz ou d’un passage délicat en harmonie. À l’inverse, une mécanique hésitante, une perce mal adaptée ou un équipement d’entrée de gamme mal réglé peuvent altérer la projection et vous obliger à compenser au lieu de vous exprimer.
Pourquoi certaines clarinettes vous semblent-elles immédiatement familières tandis que d’autres résistent? La réponse tient à un ensemble de facteurs – tonalité, matériaux, perce, système de clés, ergonomie – qui doivent correspondre à votre répertoire et à votre niveau. Dans cette catégorie dédiée aux instruments à vent de la famille des bois, vous trouverez des clarinettes pensées pour le débutant comme pour le professionnel exigeant. Découvrons comment choisir en toute confiance.
Une clarinette bien choisie améliore instantanément votre confort de jeu. Vous gagnez en stabilité d’intonation, en aisance de doigté et en palette de timbres, ce qui se traduit par des répétitions plus productives et des prestations plus assurées. Elle vous permet aussi de travailler la nuance, de pianissimo feutré en forte éclatant, sans lutter contre l’instrument.
Au-delà de ces points, l’avantage numéro un reste l’adéquation entre l’instrument et votre souffle. Une clarinette à la perce cohérente avec votre embouchure, un système Boehm fluide, des tampons bien assis: tout concourt à libérer votre son. C’est ce qui vous permet d’explorer des couleurs, d’oser plus de phrasés, et d’affiner un vibrato subtil si le style l’exige. Plus vous progressez, plus ces bénéfices se cumulent.
Pour 90 % des situations, la clarinette en Sib constitue le choix standard. C’est l’instrument d’étude par excellence et la référence des harmonies, fanfares et big bands. En classique, la clarinette en La est très présente dans le répertoire orchestral, souvent en complément de la Sib. Des modèles en Mib (requinto) et les clarinettes basse ouvrent d’autres territoires sonores, mais s’adressent plutôt aux ensembles spécifiques ou aux musiciens déjà confirmés.
Les clarinettes d’étude privilégient souvent les composites (ABS, résine) ou l’ébonite, résistants aux variations de température et d’hygrométrie, avec un entretien simple. Ces matériaux offrent une stabilité bienvenue pour l’apprentissage et une intonation fiable. À partir de la gamme intermédiaire, la grenadille (Dalbergia melanoxylon) s’impose pour sa densité et son timbre charnu, sa projection naturelle et sa finesse de réponse dans les nuances. Les modèles professionnels sélectionnent des bois de premier choix, parfois stabilisés, et soignent l’alésage pour une homogénéité exemplaire.
Le système Boehm domine en France et dans la plupart des contextes internationaux non germaniques. Il propose une ergonomie intuitive, des doigtés largement standardisés et une mécanique réactive. Le système Oehler, plus courant dans la tradition allemande, favorise certains enchaînements et un timbre spécifique, mais nécessite d’adopter une logique de doigtés différente. Si vous débutez ou jouez en ensemble majoritairement Boehm, restez sur Boehm; si votre projet est ancré dans la pratique allemande, orientez-vous dès le départ vers Oehler.
La perce cylindrique de la clarinette conditionne la résistance au souffle et la couleur de timbre. Une perce légèrement plus large peut donner une impression de rondeur et de liberté d’émission; une perce plus contenue favorise l’intonation et la précision, utile pour les traits délicats. Le choix du baril (longueur et alésage) permet de peaufiner la justesse et la réponse, surtout si vous personnalisez le bec et l’anche. Enfin, le pavillon influence la projection et la stabilité dans le bas du registre; sur les clarinettes basses, sa conception pèse lourd dans la diffusion.
Les clarinettes à anneaux laissent percevoir plus directement la colonne d’air et facilitent certains micro-ajustements d’intonation. Les modèles à plateaux sécurisent la fermeture des trous pour les petites mains ou pour gagner en constance sur des passages rapides. Recherchez une mécanique équilibrée, des ressorts nerveux sans dureté, et des tampons bien assis pour éviter les fuites d’air. L’ergonomie doit servir votre morphologie: repose-pouce réglable, placement du levier de Mib grave, facilité d’accès au chalumeau.
Dans cette catégorie, vous croiserez des clarinettes d’étude robustes et abordables, des modèles intermédiaires pour progresser sans compromis, et des clarinettes professionnelles taillées pour la scène, le studio et le concours. Chaque famille couvre une ou plusieurs tonalités, afin d’accompagner les besoins des orchestres, des classes de conservatoire ou des projets jazz.
La clarinette en Sib est l’instrument universel. Elle excelle en fanfare, harmonie, jazz et musique de chambre. Les versions d’étude en composite garantissent solidité et justesse, tandis que les modèles en grenadille élargissent la palette de timbres et la finesse d’attaque. Pour le répertoire moderne comme pour le swing, elle assure une projection constante et une intonation fiable.
Très prisée en orchestre symphonique, la clarinette en La facilite certains traits écrits dans des tonalités moins favorables à la Sib. Son timbre naturellement velouté convient aux solos lyriques et aux textures chambristes. Souvent, les musiciens classiques combinent un duo Sib/La pour couvrir l’essentiel du répertoire, en choisissant des instruments de même facture pour conserver un toucher et une couleur cohérents.
La Mib (requinto) apporte éclat et brillance dans les fanfares et certaines œuvres classiques ou contemporaines. Plus petite et plus exigeante en embouchure, elle récompense une émission précise. La clarinette alto en Mib, plus rare que la basse mais très utile en ensemble, offre un médium riche et un registre grave enveloppant, intéressant pour les arrangements et les textures de pupitre.
La clarinette basse en Sib est un véritable caméléon: fondamentale dans le jazz moderne, précieuse en orchestre et en ensemble de clarinettes. Son étendue élargie, sa projection large et sa capacité à porter des lignes lyriques dans le grave en font un instrument à part entière. Les modèles avec extension au do grave, clé de registre repensée et mécanique allégée offrent une jouabilité remarquable. Pour les projets spécifiques, la clarinette contralto et la contrabasse complètent le spectre, soutenant l’assise harmonique avec une présence incomparable.
Vous débutez? Orientez-vous vers une clarinette en Sib d’étude en résine/ABS ou ébonite, mécanique Boehm, avec un étui rigide et un kit d’entretien de base. Associez-la à un bec facile et à des anches souples (force 2–2,5) pour privilégier l’émission et la stabilité. Un instrument robuste, réglé correctement, vous permettra d’acquérir les fondamentaux sans lutter contre l’intonation ni la mécanique.
Niveau intermédiaire, vous cherchez plus de timbre et de nuance. Un passage à la grenadille change la donne: projection plus naturelle, richesse harmonique et réponse plus fine en pianissimo. Pensez à une mécanique avec options de plateaux si vous avez de petites mains, ou à des clés ergonomiques optimisées. Côté accessoires, une ligature bien adaptée et des anches de qualité régulière stabiliseront encore votre son.
Pour la scène et le studio, la précision prime. Choisissez une clarinette professionnelle au perçage soigné, tampons de haute qualité (poissons, cuir ou synthétiques haut de gamme selon vos préférences), et finition irréprochable des cheminées. Testez plusieurs barils et, si possible, deux longueurs différentes pour affiner la justesse selon la température et le diapason du jour. Un instrument réactif vous évite de surjouer et préserve votre endurance en tournée.
La question du budget mérite d’être pensée en trajectoire. Il vaut souvent mieux une clarinette d’étude bien réglée avec un bon bec qu’un modèle intermédiaire mal ajusté. À l’inverse, si vous jouez en ensemble exigeant, l’investissement dans un instrument supérieur s’amortit par le gain de temps de travail et la tranquillité en concert. Pensez à la revente: un modèle réputé, entretenu avec carnet de révision, conserve mieux sa valeur.
Entretien et longévité vont de pair. Passez l’écouvillon après chaque session, évitez l’humidité stagnante, surveillez les lièges et les tampons pour anticiper les fuites. Une révision annuelle par un luthier garantit la constance de la mécanique et l’étanchéité. Sur les clarinettes en bois, respectez les phases d’accoutumance et l’équilibre hygrométrique; quelques gouttes d’huile de perce adaptées, à intervalles raisonnables, préserveront la stabilité du corps.
Enfin, pensez répertoire. Si vous visez un pupitre d’harmonie ou les musiques actuelles, la Sib reste le centre de gravité. Les aspirants orchestraux gagneront à constituer un duo Sib/La. Les passionnés de jazz et d’arrangements exploreront avec bonheur la basse et l’alto. Dans tous les cas, prenez le temps d’essayer, d’écouter et de ressentir: la clarinette qui vous convient est celle qui transforme vos idées en son avec le moins d’obstacles possible.
Pour résumer, choisissez la tonalité selon l’usage, le matériau selon votre niveau et vos conditions de jeu, la perce et la mécanique selon votre embouchure et votre répertoire. Ajustez ensuite bec, ligature et anches pour finaliser la personnalité sonore. Avec une clarinette adaptée à votre souffle, chaque répétition devient plus efficace, chaque concert plus expressif, et votre progression, plus régulière et motivante.